ÉGLÉ, AZOR.
(Églé se croit seule un instant : Azor paraît vis-à-vis d’elle.)
ÉGLÉ, continuant et se tâtant le visage.
Je ne me lasse point de moi. (Et puis apercevant Azor avec frayeur.) Qu’est-ce que cela, une personne, comme moi ?… N’approchez point. (Azor étendant les bras en souriant.) La personne rit, on dirait qu’elle m’admire. (Azor fait un pas.) Attendez… Ses regards sont pourtant bien doux… Savez-vous parler ?
AZOR.
Le plaisir de vous voir m’a d’abord ôté la parole.
ÉGLÉ.
La personne m’entend, me répond, et si agréablement !
AZOR.
Vous me ravissez.
ÉGLÉ.
Tant mieux.
AZOR.
Vous m’enchantez.
ÉGLÉ.
Vous me plaisez aussi.
AZOR.
Pourquoi donc me défendez-vous d’avancer ?
ÉGLÉ.
Je ne vous le défends plus de bon cœur.
AZOR.
Je vais donc approcher.
ÉGLÉ.
J’en ai bien envie. (Il avance.) Arrêtez un peu… que je suis émue !
AZOR.
J’obéis, car je suis à vous.
ÉGLÉ.
Elle obéit ; venez donc tout-à-fait, afin d’être à moi de plus près. (Il vient.) Ah ! la voilà, c’est vous ; qu’elle est bien faite ! en vérité, vous êtes aussi belle que moi.
AZOR.
Je meurs de joie d’être auprès de vous, je me donne à vous, je ne sais pas ce que je sens, je ne saurais le dire.
ÉGLÉ.
Eh ! c’est tout comme moi.
AZOR.
Je suis heureux, je suis agité.
ÉGLÉ.
Je soupire.
AZOR.
J’ai beau être auprès de vous, je ne vous vois pas encore assez.
ÉGLÉ.
C’est ma pensée, mais on ne peut pas se voir davantage, car nous sommes là.
AZOR.
Mon cœur désire vos mains.
ÉGLÉ.
Tenez, le mien vous les donne ; êtes-vous plus contente ?
AZOR.
Oui, mais non pas plus tranquille.
ÉGLÉ.
C’est ce qui m’arrive, nous nous ressemblons en tout.
AZOR.
Oh ! quelle différence ! tout ce que je suis ne vaut pas vos yeux ; ils sont si tendres !
ÉGLÉ.
Les vôtres si vifs !
AZOR.
Vous êtes si mignonne, si délicate !
ÉGLÉ.
Oui, mais je vous assure qu’il vous sied fort bien de ne l’être pas tant que moi ; je ne voudrais pas que vous fussiez autrement, c’est une autre perfection ; je ne nie pas la mienne ; gardez-moi la vôtre.
AZOR.
Je n’en changerai point, je l’aurai toujours.
ÉGLÉ.
Ah ! çà, dites-moi, où étiez-vous quand je ne vous connaissais pas ?
AZOR.
Dans un monde à moi, où je ne retournerai plus, puisque vous n’en êtes pas, et que je veux toujours avoir vos mains ; ni moi ni ma bouche ne saurions plus nous passer d’elles.
ÉGLÉ.
Ni mes mains se passer de votre bouche ; mais j’entends du bruit, ce sont des personnes de mon monde ; de peur de les effrayer, cachez-vous derrière les arbres, je vais vous rappeler.
AZOR.
Oui, mais je vous perdrai de vue.
ÉGLÉ.
Non ; vous n’avez qu’à regarder dans cette eau qui coule ; mon visage y est, vous l’y verrez.
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